Bonjour,
Carmignac et Tresmontant se sont élevés contre la pensée dominante du XIX et du XXème siècle sur la date de première écriture des Evangiles, ainsi que sur leur langue d'origine.
Ils affirment que les Evangiles de Matthieu, de Marc et de Jean, ont d'abord été écrits en hébreu et ce, avant la destruction de Jérusalem, en l'an 70.
cf
http://www.philo5.com/Les%20vrais%20penseurs/25%20-%20Claude%20Tresmontant.htm (Sorman, dans "les vrais penseurs de notre temps")
Citer:
[Claude Tresmontant, (1927-1997) ...] consacre quatre heures par jour à améliorer la traduction des Évangiles. ... Ceux qui connaissent Tresmontant partagent avec l'auteur l'enthousiasme des nouveaux croyants qui découvrirent pour la première fois les textes saints. Ce n'est pourtant pas la qualité du style de Tresmontant qui motive leur ferveur.
Ouvrons l'Évangile de Jean qu'il a traduit:
au commencement était le parler
et le parler était à Dieu
et Dieu était le parler.
Bref, du charabia sans ponctuation ni majuscule! Lisons un peu plus loin :
toutes ces paroles je vous les ai dites
afin que vous ne butiez pas sur cet obstacle
qui pourrait vous faire tomber
ils vont vous exclure de la communauté
et même elle arrive l'heure
où tout homme qui vous mettra à mort
pensera rendre un culte à Dieu.
Voilà pourtant, selon Tresmontant, la parole même du Seigneur à l'état brut, la transcription la plus fidèle que l'on puisse faire ... du texte original. Comparons maintenant avec le texte de l'école biblique de Jérusalem. Nous lisons :
je vous ai dit cela
pour éviter le scandale
on vous exclura des synagogues
bien plus, l'heure vient
où quiconque vous tuera
pensera rendre un culte à Dieu.
L'Église, selon Tresmontant, utilise une version romantique des Évangiles, un français traduit du latin, qui a lui-même été traduit du grec. La version grecque est traditionnellement considérée par l'Église comme l' « original ». Or, ajoute Tresmontant, « les Évangiles ont été écrits en hébreu, et non pas en grec ». Cette affirmation contient le scandale Tresmontant.
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La certitude de Tresmontant vient de sa parfaite connaissance du grec et de l'hébreu. Il a constaté que le grec des Évangiles est du mauvais grec, complexe, obscur, truffé de nombreuses fautes de grammaire. Mais si l'on sait l'hébreu, ces fautes n'en sont plus ; elles apparaissent comme la transcription en grec de la syntaxe hébraïque. Or ... ce passage mot à mot de l'hébreu au grec est une tradition très ancienne du peuple hébreu. Dès le IVè siècle avant Jésus-Christ, les Juifs dispersés autour de la Méditerranée avaient oublié l'hébreu. Pour qu'ils puissent continuer à lire leur livre saint, ils disposaient de transcriptions mot à mot en grec. En rapprochant ces versions grecques et hébraïques de l'Ancien Testament, Tresmontant a réinventé un dictionnaire hébreu-grec tel qu'il aurait pu exister il y a deux mille ans. C'est donc avec ce lexique que Tresmontant a reconstitué, à partir du texte grec des Évangiles, un probable original hébreu. Et c'est à partir de cet original réinventé qu'il nous livre une nouvelle traduction française.
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La voix du Christ et des apôtres [devient alors ...] une langue brute, la langue d'un peuple de bergers, d'artisans, d'ouvriers .... Elle est d'un ton rude, celui de tous les prophètes hébreux au cours des siècles passés. C'est bien dans cette tradition prophétique du peuple hébreu que s'inscrivent les Évangiles. D'ailleurs ... ils ne peuvent être compris que par référence à l'Ancien Testament, auquel Ieschoua fait sans cesse allusion. ...
Si ma traduction n'est pas littéraire, dit Tresmontant, c'est parce que Jean non plus n'a pas fait une œuvre littéraire. Il a voulu nous livrer les faits à l'état brut, tels qu'il les a vécus, tels qu'il vient de les vivre. Car Jean est fidèle à une autre tradition constante des Hébreux : le Talmud, commentaire de la Bible à l'usage du peuple juif, est lui aussi une succession de notes prises par les disciples après que le maître, le rabbin a parlé. L'Évangile de Jean serait donc une sorte de reportage rédigé quelques années seulement après les événements. Aussi, la version de Tresmontant nous rapproche-t-elle singulièrement, dans le temps, des événements qu'elle relate. De plus elle en change le sens sur certains termes essentiels.
Prenons par exemple la foi : c'est la traduction du latin fides, lui-même traduit du grec pistis qui, d'après Tresmontant, transcrivait en réalité l'hébreu emounah. Or, nous explique-t-il, le verbe aman veut dire « être certain de la vérité ». Rendre emounah par « foi » est un contresens. Car la foi, en français courant, n'est pas une certitude ; bien au contraire, la foi, dans notre mentalité est opposée à la connaissance rationnelle. Or, pour les Hébreux, et donc dans l'enseignement de Ieschoua, cette opposition n'existe pas. ...
Les chrétiens, estime Tresmontant, se sont laissés influencer par le rationalisme. La vie de Jésus, telle qu'elle a été publiée par Renan il y a un siècle, gouverne les esprits jusqu'au sein de l'Église. La méthode de Renan et de tous les penseurs rationalistes est simple ; Tresmontant la résume de la manière suivante : « Puisque Dieu n'existe pas, les Évangiles sont une fiction. Et comme les fictions ont besoin de temps pour se constituer, les Évangiles sont tardifs. » S'ils sont tardifs ― écrits, selon Renan, presque un siècle après les événements ― les prophéties s'expliquent : Lorsque Ieschoua annonce la destruction future du temple, c'est que, selon Renan, l'auteur de l'Évangile sait que le Temple a effectivement été détruit en 70 après Jésus-Christ. D'où l'importance du débat sur l'époque à laquelle les Évangiles ont été rédigés ; pour les athées, il faut qu'ils soient tardifs. Mais si, comme l'estime Tresmontant, Jean écrit immédiatement après la mort de Jésus et avant la destruction du Temple, la prophétie en est bien une.
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